16 % des emplois salariés ont un statut précaire en 2023 (intérim, contrats à durée déterminée ou d’apprentissage)1, selon nos calculs d’après les données de l’Insee. Ce niveau est deux fois supérieur à celui des années 1980. La progression a été très forte du milieu des années 1980 à la fin des années 1990, le taux de précarité grimpant alors de 7 % à 13,8 % en 2000. Après une phase de stabilisation, il est à nouveau reparti à la hausse à la fin des années 2000, pour atteindre 16 % en 2017. Depuis, il semble se maintenir à ce niveau élevé2.

L’emploi salarié est loin d’être précarisé dans son ensemble. Les premiers concernés sont les salariés peu diplômés et les jeunes. Chez les moins de 25 ans, le taux de précarité est passé de 18,7 % en 1982 à 49 % dès 1999. Il a depuis dépassé les 50 % pour atteindre même 58,5 % en 2016. Il a légèrement baissé à partir de 2017 et se situe désormais à 56 %. Nos données comprennent l’apprentissage. Il s’agit bien d’emplois précaires, car la durée de ce type de contrat est limitée, mais, il est vrai, s’inscrit dans le cadre d’une formation. L’emploi précaire augmente chez les hommes comme chez les femmes. Si ces dernières restent plus souvent concernées (16,6 % contre 15,2 %), l’écart se resserre par rapport aux années 1980 et 1990.

La stabilisation du taux de précarité de l’emploi est étonnante. La baisse du taux de chômage aurait dû entraîner une diminution des contrats courts au profit des contrats à durée indéterminée. Mais la baisse du nombre de demandeurs d’emploi est en réalité liée, pour partie, à une hausse considérable de l’apprentissage. Quoi qu’il en soit, on assiste à un retournement majeur : dans certains secteurs, les entreprises s’inquiètent de ne plus arriver à recruter en contrat à durée indéterminée, car elles font face à une volatilité de la main d’œuvre.

La précarité de l’emploi a profondément modifié le marché du travail. En réduisant les horizons de vie, en empêchant les jeunes notamment à s’insérer durablement dans la société, elle nourrit les inquiétudes et les tensions sociales. Toute la question est de savoir comment on peut passer d’une baisse globale du nombre de demandeurs d’emploi, qui se prolonge depuis dix ans, à une amélioration de la qualité des emplois et particulièrement la pérennité de leur statut.

Photo : Adrian Sulyok / Unsplash

Notes:

  1. L’Insee parle de « formes particulières d’emplois pour qualifier cet ensemble.
  2. La baisse de 2020 est liée aux confinements et l’arrêt de nombreux contrats courts.