Ceux qui passent par la case chômage y laissent des plumes : 30 % des chômeurs qui ont retrouvé rapidement un emploi ont dû accepter un poste avec un salaire inférieur indique une étude de l’Insee1. L’ampleur du nombre de demandeurs d’emploi impose à ces derniers des concessions, qui se répercutent sur leurs modes de vie.
Que deviennent les chômeurs ? On oublie souvent quand on commente l’évolution du chômage que l’on compare deux photographies de populations différentes. Les chômeurs de 2017 sont constitués d’une partie de ceux de 2016, auxquels on a ajouté de nouveaux demandeurs d’emploi et retranché ceux qui ont retrouvé un poste. Ces photographies font oublier le « film » du chômage.
L’étude de l’Insee comble une partie de ce manque. L’institut a observé ce que devenaient les chômeurs de 2016 au bout d’un trimestre : 58,5 % sont au chômage, 13,3 % sont inactifs mais souhaiteraient travailler, 7,6 % sont inactifs et 20,6 % ont retrouvé un emploi. Plus le chômage dure, plus la probabilité de remettre le pied à l’étrier est faible. Parmi les chômeurs de moins d’un an en 2016, 27,8 % avaient retrouvé un emploi le trimestre suivant l’enquête. C’était seulement le cas de 6,7 % des chômeurs de plus de trois ans.
L’impact du chômage est net. Tous ceux qui ne remettent pas le pied à l’étrier de l’emploi voient d’abord leur niveau de vie baisser : l’indemnisation du chômage ne compense qu’une partie du salaire et se réduit quand le chômage se prolonge. Mais ceux qui retrouvent un emploi sont aussi touchés. Au total, 29,3 % des chômeurs qui étaient salariés et qui ont retrouvé un emploi salarié au bout d’un trimestre ont dû accepter un emploi moins bien payé contre 25,9 % qui ont réussi à gagner davantage. Plus les demandeurs d’emploi sont âgés, plus l’impact est grand : 24 % des moins de 24 ans ont vu leur salaire baisser, contre 31 % des 50-64 ans.
Ces données minimisent de beaucoup l’impact final : dans son étude, l’Insee prend en compte tous les chômeurs de 2016 et observe la situation de ceux qui ont retrouvé un emploi au bout d’un trimestre. Mais seul un cinquième des chômeurs est dans ce cas. Plus le temps passe, plus le prix à payer est grand pour les chômeurs qui doivent faire des concessions de plus en plus grandes et de plus en plus nombreuses : sur le salaire, les conditions de travail, l’éloignement du domicile, etc. Du coup, le taux de chômage pris à un moment donne une image faussée de l’impact du chômage dans la société : la proportion de personnes passées par la case chômage et déclassées ne cesse de s’accroître quand le manque d’emploi dure comme c’est le cas depuis 30 ans. Pour les plus jeunes, l’espoir de retrouver un emploi de meilleure qualité existe. L’impact du déclassement par le chômage est particulièrement fort pour les plus âgés qui ont adopté des modes de vie correspondant à leur ancien emploi (logement, équipements, loisirs, etc.) et, une fois au chômage, qui doivent revenir en arrière en réduisant la toile : déménager, ne plus prendre de congés, dépenser moins, etc. La logique de la loi du marché entre en collision avec celle de la vie en société où les individus ne s’attendent pas à devoir revenir en arrière.
Notes:
- « Quitter le chômage. Un retour à l’emploi plus difficile pour les seniors », Insee première n°1661, juin 2017. ↩