L’amélioration de l’emploi amorcée en 2015 est nette. Depuis cette date, le taux de chômage a baissé de 10,3 % à 7,5 %, selon l’Insee. Le mouvement est important : il a retrouvé son niveau du milieu des années 1980. Nous assistons à la quatrième phase de reprise pour l’économie française depuis la crise pétrolière du milieu des années 1970. Depuis l’été 2023, on assiste à une remontée dont on ne peut dire s’il s’agit d’une pause ou d’une inversion de tendance.

La principale hausse du chômage a eu lieu entre le milieu des années 1970 et la fin des années 1980. Le nombre de chômeurs passe alors de 700 000 à 2,3 millions, le taux de chômage est multiplié par trois de 3 à 9 % (selon la définition du Bureau international du travail). Depuis bientôt quarante ans, le chômage fluctue autour de 8 9 % ce niveau avec des pics supérieurs à 10 % et un point bas début 2008 à 7,2 %. Les phases de diminution peuvent être importantes, notamment comme entre 1997 et 2001 (de 10,7 % à 7,7 %). Malheureusement, à chaque fois, le chômage remonte après quelques années de diminution.

La baisse enregistrée depuis le deuxième semestre de 2015 est significative. Selon l’Insee, on compte 800 000 chômeurs de moins depuis cette période. Les créations d’emplois reprennent (lire notre article). Cette embellie ne se traduit pas de la même façon dans les données de France Travail (ex-Pôle emploi). Selon l’organisme, le nombre de demandeurs d’emploi (catégories A, B et C)1 a augmenté jusqu’au troisième trimestre de 2018 et n’a baissé depuis que de 500 000. On compte encore aujourd’hui 5,1 millions de demandeurs d’emploi dans ses trois catégories. Si l’on ne prend en compte que la catégorie la plus restrictive (A, ceux qui n’ont strictement aucune activité), le nombre de chômeurs a diminué de 500 000. Dans cette catégorie il reste encore 2,8 millions de chômeurs, beaucoup plus qu’en 2008 quand ce chiffre était tombé à 2 millions.

Depuis l’été 2023, le chômage remonte. Il est impossible de savoir s’il agit d’une pause dans un mouvement de plus grande ampleur ou une inversion durable, reproduisant un cycle comme on en connaît depuis 40 ans. Aucun pays occidental n’a réellement réussi à maintenir un niveau de croissance régulière suffisamment longtemps pour retrouver un plein emploi de qualité.

Ceux qui ont fait baisser le taux de chômage l’ont fait en dégradant la norme sociale de l’emploi, avec des formes très précaires d’emploi (comme en Allemagne), en réduisant l’indemnisation du chômage (Royaume-Uni) ou en élargissant la notion de handicap2 Une partie des chômeurs, déclarés inaptes au travail, ne figurent plus alors dans les statistiques du chômage. C’est en partie aussi le cas en France avec l’allocation adulte handicapé.[/](Pays-Bas). Les chômeurs disparaissent des statistiques, mais sont transformés en travailleurs flexibles et mal rémunérés ou sont indemnisés par d’autres régimes. La baisse actuelle résulte en France pour partie de ce type de mesures. Dans les années récentes, le nombre d’apprentis a augmenté de 500 000 entre 2019 et 2022, un moteur de la baisse du chômage qui atteint aujourd’hui ses limites.

Insee et France Travail : pourquoi des chiffres aussi différents ?
On compte 2,3 millions de chômeurs selon l'Insee et 2,8 millions de demandeurs d'emplois selon la définition la plus stricte de France Travail, ex-Pôle Emploi. Comment expliquer une telle différence ? L'Insee utilise la définition du Bureau international du travail, selon laquelle il suffit d'avoir travaillé une heure dans la semaine pour ne pas être comptabilisé comme chômeur : le développement de formes très précaires d'emploi fait donc rapidement baisser leur nombre. De son côté, France Travail comptabilise les personnes inscrites officiellement dans ses fichiers, et ses catégories B et C intègrent des chômeurs qui peuvent avoir travaillé quelques heures au cours du mois précédent. Les données de France Travail évoluent en fonction du marché du travail, mais peuvent aussi fluctuer en fonction des conditions juridiques d'indemnisation.

Notes:

  1. Catégories comprenant les chômeurs ayant une activité réduite.