À l’automne 2024, 2,2 millions de chômeurs1 étaient inscrits à France Travail depuis plus d’un an. Ce chiffre a diminué depuis le pic de 2,9 millions atteint début 2021 suite à la crise sanitaire. Le nombre de demandeurs d’emploi de longue durée avait fortement augmenté entre la fin 2008 et le milieu des années 2010, de 900 000 à plus de 2,4 millions. Depuis 2015, le chômage baisse en France. Si on écarte le pic lié à la crise sanitaire, le nombre de chômeurs de longue durée a, quant à lui, baissé entre fin 2019 et fin 2023, demeurant à un niveau très élevé depuis.
Les données de France Travail comptabilisent des personnes inscrites auprès de l’institution dans l’espoir d’être accompagnées pour retrouver un emploi et percevoir une indemnité (toutes ne sont pas indemnisées). Le portrait dessiné par les données de l’Insee est assez différent. Selon cet institut, on compte seulement 500 000 chômeurs depuis plus d’un an, plus de quatre fois moins ! Le nombre reste élevé, mais il a baissé de 44 % depuis 2016. En revanche, il ne diminue que très peu depuis un an.
Comment expliquer la différence entre ces deux chiffres ? Le chômage de longue durée mesuré par l’Insee donne une vision restrictive du phénomène. Il suffit d’avoir travaillé une heure dans la semaine qui précède l’enquête pour ne plus être comptabilisé comme chômeur. De son côté, France Travail intègre dans ses chiffres des personnes qui ont exercé le mois précédent une activité réduite (contrats courts, temps partiel), mais qui poursuivent leur recherche d’emploi.
La différence entre les deux courbes résulte du développement d’une zone grise de l’emploi, composée de personnes qui vivotent avec des « petits boulots » d’une durée de plus en plus longue tout en étant inscrites au chômage. Elle se manifeste, par exemple, dans la progression de l’emploi précaire. Le chômage de longue durée a bien baissé, mais la reprise n’est pas d’une ampleur assez forte pour aboutir à des emplois durables. Une partie de ceux qui ont quitté les statistiques de l’Insee demeurent inscrits à France Travail car ils comptent toujours reprendre un emploi à temps plein et stable. Au total, on a bien davantage d’emplois créés, mais de moins bonne qualité.
Le débat public se concentre sur le taux et le nombre de chômeurs, mais le niveau du chômage de longue durée est un phénomène tout aussi préoccupant. Cet indicateur mesure un dérèglement structurel du marché du travail. Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits depuis plus de trois ans reste lui très élevé : près de 800 000 personnes sont concernées. D’un côté, une partie des chômeurs s’installent dans une économie de petits boulots cumulés à une maigre indemnisation. De l’autre, des demandeurs d’emploi n’arrivent pas à remettre le pied sur le marché du travail faute de qualifications ou du fait de la dégradation de l’emploi (bas salaires, temps partiel, précarité, etc.). Dans les deux, le phénomène touche surtout les moins qualifiés. Pour les chômeurs de longue durée, l’accès à une formation professionnelle de qualité est essentiel, mais cette dernière est trop rarement au rendez-vous.
Photo / Mattew Osborn / Unsplash
Notes:
- Données pour les catégories A, B et C. ↩