Chaque année, sur 100 personnes, onze changent de résidence selon le dernier rapport de l’Observatoire des territoires portant sur le recensement 2014 de l ‘Insee 1. Un dixième, cela peut paraître peu mais cela représente beaucoup : plus de sept millions de personnes ont déménagé, un beau chassé-croisé. Mais il y a mobilité et mobilité. Parmi les onze personnes qui ont changé de lieu de vie, quatre sont restées dans la même commune et autant sont demeurées dans leur département d’origine. Un peu moins de trois ont changé de département ou de région. On ne sait pas dire combien sont parties à l’étranger, mais on sait qu’à un lieu donné, 0,4 personne est arrivée d’un pays étranger.
La mobilité dépend d’abord de l’âge. Si l’on met de côté les enfants (qui dépendent de leurs parents), elle est maximum pour les jeunes adultes. Entre 20 et 25 ans, près de trois personnes sur dix déménagent dans l’année. C’est le temps de l’installation, de la formation du premier couple notamment. Par la suite, le taux de mobilité résidentielle diminue progressivement, et vers 55 ans il s’établit au-dessous de 5 %. Il remonte au grand âge, après 80 ans en particulier, avec la perte de l’autonomie qui impose parfois de rejoindre un établissement spécialisé.
Le milieu social joue, mais beaucoup moins. Certes, le taux de mobilité atteint 7,5 % pour les non-diplômés, soit moitié moins que pour les diplômés de l’enseignement supérieur. Mais il peut s’agir d’un effet d’âge : les générations anciennes sont aussi moins diplômées : si le taux est faible pour les non-diplômés c’est qu’ils sont beaucoup plus âgés en moyenne. Pour ce qui est des catégories sociales, la différence est surtout forte entre non-salariés et salariés. En particulier, les agriculteurs déménagent peu (4 %) : situation logique puisque leur lieu de vie et leur outil de travail se situent le plus souvent au même endroit (et ils sont aussi plus âgés que la moyenne). Les artisans, commerçants et chefs d’entreprise sont dans une position intermédiaire (autour de 10 %), pour une partie d’entre eux aussi le lieu de résidence est très lié au lieu de travail.
Chez les salariés en revanche, les différences sont mineures. Les ouvriers et les cadres déménagent tout autant (autour de 14 %), mais les premiers bougent beaucoup moins souvent hors de leur département que les seconds (2,6 % contre 4,8 %). Les mobilités lointaines sont en effet plus coûteuses et complexes. Alors qu’elles font partie de la carrière « normale » de certaines professions diplômées, pour les moins favorisés, elles imposent parfois de se couper d’un réseau de soutien de sociabilité (familles, amis) parfois indispensable, par exemple pour les gardes d’enfants. D’une manière générale, ce réseau contribue à la qualité de la vie pour beaucoup. Quitter son environnement proche fait perdre des repères, des habitudes, ce qui n’est pas facile à vivre pour tout le monde.
La mobilité résidentielle a peu évolué entre la fin des années 1980 et la fin des années 2000. En partant d’une observation sur quatre années, le taux est resté stable autour de 30 %. Il a nettement diminué pour la période 2009-2013 (dernières années connues). « L’instabilité généralisée du marché du travail a pour effet de « fixer » les individus sous l’effet d’une diminution de leurs revenus ou de l’incertitude quant à la pérennité de ceux-ci » note l’Observatoire des territoires. Alors que l’on pourrait penser qu’il est nécessaire de déménager pour trouver plus facilement un emploi, le risque devient trop grand de tout perdre pour ceux qui sont déjà marqués par la précarité du travail. Sauf à une amélioration très nette de la qualité des emplois et de leur stabilité, il est peu probable que l’on assiste à une remontée de la mobilité résidentielle dans les années à venir.
Notes:
- « Les mobilités résidentielles en France, tendances et impacts territoriaux », Rapport 2018, Observatoire des territoires, CGET, janvier 2019. ↩