Moins d’un quart des personnes pauvres vivent dans un quartier dit « prioritaire » de la politique de la ville. En publiant les données de son rapport 2018, l’Observatoire national de la politique de la ville confirme les estimations que nous avions établies l’an dernier. Comment est-ce possible alors qu’on les présente souvent comme les « territoires de la pauvreté » ? La réponse demande un peu de pédagogie.
Dans ces territoires, le taux de pauvreté est très élevé : il dépasse 40 % (au seuil à 60 % du niveau de vie médian) et atteint parfois même beaucoup plus. C’est trois fois la moyenne nationale. La situation est terrible mais logique puisque ces quartiers sont délimités à partir des niveaux de vie. Seulement, ils ne constituent qu’une toute petite fraction de la population française : 4,8 millions de personnes y vivent, soit moins de 8 % des habitants de notre pays. Le taux de pauvreté très élevé se rapporte à une fraction réduite : 42 % de 4,8 millions de personnes = deux millions d’individus pauvres sur un total de neuf millions pour l’ensemble de la France. D’où les 23 %.
Selon l’Observatoire national de la politique de la ville, la moitié de la population pauvre vit autour de ces quartiers : dans les banlieues des villes qui comprennent au moins un quartier prioritaire, souvent les plus grandes métropoles. Enfin, un quart de la population pauvre – autant donc que dans les quartiers prioritaires – vit dans des agglomérations qui ne comprennent aucun quartier prioritaire.
L’analyse de la localisation de la pauvreté n’est pas chose facile en France tant elle laisse place à toutes les exagérations. Il y a quelques années, il existait un consensus pour dire que la pauvreté était hébergée par la France périurbaine, des petites villes et du milieu rural. L’Insee a mis fin à ces spéculations. Il ne faudrait pas désormais tomber dans l’excès inverse. Désormais, pour beaucoup, la pauvreté se concentre dans les quartiers dits « prioritaires » en banlieue des grandes villes. Une façon de réduire les politiques pour pauvres à un périmètre étroit et bien limité (le raisonnement est le même avec l’éducation prioritaire). Du coup, les politiques publiques destinées aux plus démunis se concentrent sur ces quartiers et oublient la grande majorité des pauvres, qu’ils vivent en ville, dans le périurbain ou en milieu rural.
A l’heure de l’ « open data », notre pays a encore bien du mal avec des données simples qui ont du sens dans le débat public. Si l’on veut mettre en place des politiques qui répondent aux besoins, il y a urgence à mieux comprendre le territoire et à faire la part des choses. Surtout, la réponse à apporter dans ce domaine, aux jeunes, aux familles (monoparentales en particulier) ou aux personnes âgées diffère bien davantage par leurs caractéristiques démographiques que du fait de leur lieu de vie.