Qui dispose d'assez d’argent pour en mettre de côté ? L’épargnant type est aisé, a plus de 30 ans et moins de 60 ans, cadre supérieur et accédant à la propriété, selon les données 2009 de l’Insee 1. Contrairement à la consommation, les données sur l’épargne selon les catégories de population sont rares en France et méritent que l’on s’y arrête.
La moitié des Français épargne moins de 13 % de ses revenus et l’autre moitié davantage 2. Les 20 % les moins aisés n’épargnent rien : leur consommation dépasse de 20 % leurs revenus. Cela signifie qu’ils piochent dans leurs économies ou qu’ils s’endettent. En revanche, les 20 % les plus riches mettent de côté un tiers de leurs revenus. Les plus jeunes beaucoup moins : les moins de 30 ans épargnent 3 % de leurs revenus, contre 19 % pour les 30-39 ans. Si l’on ne considère que les salariés, les cadres supérieurs épargnent une proportion de leur revenu 3,5 fois supérieure à celle des employés et deux fois supérieure à celle des ouvriers. Logiquement, les accédants à la propriété (en remboursant leurs crédits immobiliers ils épargnent) ont un taux d’épargne (25 %) très supérieur aux propriétaires ayant achevé de rembourser leurs emprunts (16 %) et surtout aux locataires (3 %).
Ces taux d’épargne s’appliquent à des niveaux de revenus eux-mêmes très inégaux : du coup, les écarts entre montants épargnés sont considérables. Ainsi, le quart des ménages les plus aisés contribue à 72 % de l’ensemble de l’épargne du pays, notent les auteurs de l’étude. Ces données permettent de comprendre les écarts énormes de niveaux de patrimoine, qui sont au fond une accumulation revenus épargnés au fil du temps (lien). Elles montrent surtout en quoi les plus défavorisés sont démunis pour se constituer eux-mêmes un filet de sécurité qui joue un rôle essentiel dans une société où le risque de chômage s’accroît.
L'évolution du taux d'épargne
Depuis les années 1950, le taux d'épargne (épargne brute des ménages rapportée à leur revenu disponible) a connu trois grandes phases. Au cours des années 1950 à 1970, il progresse de 16 à 22 % : la croissance des revenus est très rapide, la consommation ne suit pas au même rythme. L'inflation pousse à l'endettement. A la fin des années 1970, le taux décroche et tombe à 12 % en une dizaine d'année : c'est la crise mais les ménages piochent dans leurs économies pour maintenir leur consommation. Au début des années 1990, le taux remonte et se maintient depuis entre 15 et 16 %, son niveau de l'immédiat après-guerre. L'incertitude économique s'installe, les écarts de revenus s'accroissent et une partie des ménages favorisés se constitue une épargne de précaution.
Notes:
- « Qui épargne, qui désépargne », Bertrand Garbinti et Pierre Lamarche, in « Les revenus et le patrimoine des ménages », édition 2014, Insee. ↩
- Il s’agit ici du taux d’épargne « médian ». Le taux moyen est de 15 % ↩