La population française vieillit, le phénomène est bien connu. Mais ses effets sont très exagérés en France. La part des plus de 60 ans a augmenté de 16 % à 28 % entre les années 1950 et 2024. Depuis dix ans, elle dépasse celle des moins de 20 ans, qui représentait un tiers de la population à la fin des années 1960 mais moins d’un quart désormais. L’âge moyen de la population a légèrement diminué entre 1950 et le milieu des années 1960, de 35,2 ans à 34,7 ans du fait du baby-boom. Depuis, il a repris une progression déjà entamée dans la première partie du XXe siècle : il est remonté à 42,7 ans en 2024, selon l’Insee.
Ce vieillissement résulte de deux grands facteurs : l’allongement de la durée de vie d’un côté et la baisse de la fécondité après une période exceptionnelle de baby-boom. Il n’est que partiellement compensé par l’immigration (les nouveaux arrivants sont moins âgés que la moyenne). Il s’agit de deux bonnes nouvelles : le niveau de santé s’améliore et on contrôle mieux le nombre d’enfants que l’on met au monde. Dans notre histoire démographique, la baisse de la natalité est ancienne, elle date du XIXe siècle et c’est plutôt le baby-boom (1945-1965) qui constitue une exception (lire notre article).
Les conséquences du vieillissement de la population sont souvent dramatisées en France. Les sexagénaires d’aujourd’hui ne sont pas comparables à ceux des années 1950, tant du point de vue de leur état de santé que de leurs modes de vie. L’erreur fréquemment commise est de considérer l’âge comme de manière absolue, ce qui est le cas quand on classe une population par âge dans notre graphique, alors qu’il est relatif et se transforme dans le temps. C’est l’idée même de vieillissement qu’il faudrait discuter.
Ainsi, si l’âge moyen a augmenté de sept années entre le milieu des années 1960 et celui des années 2010, l’espérance de vie à la naissance a augmenté de 13 ans pour les hommes et de 11 ans pour les femmes. L’échelle de la vie s’est étirée et les âges de la vie évoluent. On étudie plus longtemps et on travaille plus tard. Les grands-parents d’aujourd’hui n’ont pas les mêmes rôles, les mêmes modes de vie qu’il y a cinquante ans. À partir des années 2020, les décès des premières générations du baby-boom nées dans les années 1940, plus nombreuses, commencent à jouer dans le sens du rajeunissement de la population ou au moins d’une stabilisation de la structure par âge1. En revanche, la baisse de la fécondité a un effet inverse.
La population de la France vieillit statistiquement parlant, mais l’impact du phénomène est beaucoup plus modéré qu’on le présente souvent. Les pays où la part des personnes âgées est la plus importante ne sont pas – et de loin – les moins innovants ou productifs, ni les plus conservateurs sur le plan politique, comme le montre la situation des pays scandinaves. Historiquement, il n’y a aucun lien dans notre pays entre le vieillissement et l’évolution politique ou la situation économique, hormis le fait que la forte croissance des années 1950 à 1960 a en partie influencé la natalité du fait de l’expansion des niveaux de vie et du faible chômage.
Sans dramatiser la situation, elle n’est pas sans effet. Dans un contexte de chômage de masse, l’équilibre du régime des retraites est difficile dans un système dit par répartition (ceux qui travaillent financent directement les pensions). Par ailleurs, la prise en charge des aînés pourra de moins en moins l’être par leurs descendants, et en particulier par les femmes qui assument le plus souvent ce rôle. De plus en plus fréquemment actives, elles portent d’autres aspirations que de prendre en charge leurs parents après s’être occupé de leurs enfants. Enfin, il faut s’inquiéter des inégalités énormes qui existent au sein du groupe des personnes âgées, rarement évoquées.
Photo : MabelAmber/Pixabay
Notes:
- Le maintien des parts de chaque groupe d’âge ans la population au même niveau. ↩