L’habitat pavillonnaire en périphérie des grandes villes – dit « périurbain » – continue de se développer en France. Son essor a commencé dans les années 1960 et s’est accéléré à partir du milieu des années 1970. Depuis, sa croissance est ininterrompue. La population périurbaine est passée de 9,4 millions à 15,3 millions entre 1968 et 2011 selon une étude menée par François Cusin, Hugo Lefebvre et Thomas Sigaud1. La part de la population vivant dans l’espace périurbain est passée de 19 à 24 % au cours de la même période. Dans le même temps, la population des banlieues a, elle aussi, progressé mais d’une façon plus lente à partir des années 1990. Le nombre d’habitants stagne dans les villes centres et des territoires ruraux et isolés. DE fait, ces territoires représentent une part de plus en plus réduite de la population totale.
La croissance de la population périurbaine est alimentée à la fois par la densification des communes périurbaines (croissance interne) et par extension de l’espace périurbain, qui englobe une part croissante de communes rurales (croissance externe). Comme le notent les auteurs de l’étude, cette progression n’est pas liée à une seule « marée pavillonnaire » mais aussi à l’intégration de territoires ruraux et urbains dans la zone d’influence des grandes agglomérations.
Plusieurs phénomènes ont contribué à la périurbanisation : les hausses des prix au mètre carré dans les centres-villes, et la généralisation de l’utilisation de la voiture individuelle, facilité par l’amélioration du réseau routier. Ce lieu de vie correspond à une aspiration forte : posséder une maison individuelle et disposer d’espaces verts à proximité. L’antithèse des « grands ensembles » : davantage de surface, moins de bruit, un jardin… L’attrait de la propriété joue : à un moment où l’avenir est fragilisé par la montée du chômage, le fait de posséder son logement rassure. Un objectif devenu impossible pour beaucoup au sein des grandes villes du fait de l’inflation des prix de l’immobilier.
Socialement, le périurbain est un espace « moyen-mélangé », ni terre d’élection unique des classes moyennes, ni espace de relégation périphérique. Les cadres y sont plutôt moins représentés mais les niveaux de vie demeurent supérieurs aux autres territoires. Vivre dans une maison individuelle avec un jardin constitue pour les Français un élément clé de la qualité de vie. « C’est en couronne périurbaine que la satisfaction sur le cadre de vie est la plus forte et que le sentiment de sécurité est le plus développé », écrit le Crédoc.
Jusqu’où ira la croissance du périurbain ? Une partie des études réalisées à partir de données plus récentes sur des départements ou régions françaises laissent penser que ce phénomène s’est poursuivi depuis 2011, comme c’est le cas en région Auvergne-Rhône-Alpes par exemple. L’Insee ne diffuse aucune donnée nationale sur l’évolution de l’habitat en fonction du type de territoire depuis la fin des années 2000, ce qui rend difficile l’analyse. Cette expansion semble désormais un peu moins être due à l’essor de la maison individuelle qu’au rattachement de communes à une grande aire urbaine. En effet, la construction de maisons individuelles tend à ralentir depuis la fin des années 2000 et, depuis cette période, la part du parc de logements individuels dans l’ensemble des résidences principales stagne (voir graphique).
La persistance d’un niveau très élevé des prix dans les grandes agglomérations, la baisse du prix du pétrole et la poursuite du développement des infrastructures routières rendent le périurbain toujours très attractif, souvent le seul territoire où l’accès à la propriété reste possible pour les familles des catégories populaires et moyennes. Pour l’heure, le rapport qualité-prix du logement reste très favorable à la maison individuelle, quitte à subir des temps de transports élevés et l’éloignement des emplois et des services, surtout valorisés par les catégories les plus diplômées.
Notes:
- Voir « La question périurbaine : enquête sur la croissance et la diversité des espaces périphériques », François Cusin, Hugo Lefebvre et Thomas Sigaud, Revue française de sociologie, n°57-4, 2016. ↩