Un salarié sur dix seulement adhère à un syndicat en France. Le taux a chuté de 30 % à 17 % dans les années 1950, il est ensuite resté assez stable jusqu’à la fin des années 1970, puis a dégringolé à nouveau pour atteindre 10 % au début des années 1990 selon les estimations du ministère du Travail. Depuis, le taux est resté à peu près au même niveau, autour de 10,1 % en 2019.
Les écarts de taux de syndicalisation sont très grands selon les secteurs d’activité et les entreprises. Dans le secteur privé, ce taux est de l’ordre de 8 %, contre 18 % dans le secteur public, selon le ministère du Travail 1. La proportion ne serait que de 5 % dans les entreprises de moins de 50 salariés et encore très inférieure dans celles encore plus petites. Cette faiblesse constitue un lourd handicap en matière de dialogue social : la négociation s’en trouve déséquilibrée ; les accords passés ont une légitimité moindre que dans les pays où plus de la moitié des salariés adhèrent à une organisation syndicale.
Comment expliquer un niveau aussi faible ? Se syndiquer n’a guère d’avantages en France. Les syndicats négocient pour tous les salariés, pas seulement pour leurs adhérents. Les non-syndiqués laissent les syndiqués défendre leurs droits, pour en retirer ensuite les bénéfices. Adhérer peut même être nuisible à la carrière et à la rémunération des intéressés dans certaines entreprises. Pour les salariés, un syndicat offre peu de services concrets. En France, leur place dans le dialogue social ne dépend pas du nombre d’adhérents, mais des résultats aux élections professionnelles (délégués du personnel et comités d’entreprise, aujourd’hui remplacé par le comité social et économique). Au bout du compte, des structures peuvent être reconnues comme représentatives malgré un petit nombre d’adhérents et se retrouver à la table des négociations au niveau national.
Les transformations structurelles de l’emploi jouent aussi. Le déclin des grandes entreprises industrielles a affaibli les bastions syndicaux. La persistance d’un chômage de masse et de la précarité du travail a rendu encore plus difficile l’adhésion à un syndicat. Selon le ministère du Travail, seuls 2,3 % des salariés en CDD en intérim sont syndiqués contre 11,8 % des salariés en CDI. La division en plusieurs confédérations très politisées – ce qui est spécifique à la France – limite les capacités d’action des syndicats qui n’ont pas su s’adapter aux transformations de l’emploi et notamment convaincre les jeunes générations de la nécessité de se syndiquer. Seuls 2,7 % des moins de trente ans adhèrent à un syndicat, contre 14,7 % des 50 ans ou plus.
La proportion de syndiqués n’a jamais été très élevée dans l’Hexagone. La France est le pays riche où le taux est le plus faible après les États-Unis, deux fois moins que la moyenne des pays riches. Dans les pays du nord de l’Europe, le taux de syndicalisation dépasse les 50 %. Au Royaume-Uni, un quart des salariés adhèrent à un syndicat.
L’avenir du syndicalisme en France dépend de nombreux facteurs. Après l’effondrement industriel, les syndicats arriveront-ils à conquérir les services ? La tâche, de long terme, n’est pas facile du fait de la plus faible taille en moyenne des établissements, mais pas impossible. Le ministère du Travail note par exemple que le taux de syndicalisation a nettement augmenté dans le privé dans le secteur des activités financières et d’assurance, de 12 % à 16,9 %. Il a aussi progressé – même s’il part de très bas – dans le secteur de l’hébergement et la restauration, de 4,1 % à 5,9 %. Dans la fonction publique, le taux de syndicalisation a augmenté de 32,2 % à 36,5 % dans la police. Certains grands conflits sociaux, comme le débat autour de la loi sur les retraites de 2023 peuvent aussi permettre de recruter de nouveaux adhérents. La baisse du chômage fait évoluer le rapport de force de manière plus favorable aux représentants des salariés face aux directions d’entreprises. Une partie de la réponse est dans la capacité des syndicats eux-mêmes à proposer des programmes et des modes d’action adaptés aux évolutions de la société et qui parlent en particulier aux jeunes générations.
Notes:
- « Léger repli de la syndicalisation en France », Dares Analyses n°6, février 2023. ↩