L’espérance de vie à la naissance atteint 85,3 ans pour les femmes et 79,4 ans pour les hommes en 2022, selon l’Insee (lire notre article). Mais toutes ces années de vie ne se valent pas. Chaque année, le ministère des Solidarités réalise une enquête auprès de la population et il demande aux personnes interrogées si elles sont limitées dans leurs activités depuis au moins six mois par un problème de santé et calcule ainsi « l’espérance de vie sans incapacité ».

L’espérance de vie sans incapacité forte1 est plus courte que l’espérance de vie tout court de 6,7 années pour les femmes et cinq années pour les hommes. On mesure alors la durée, généralement en fin de vie, passée en mauvaise santé.

Il faut rester prudent en comparant l’espérance de vie et l’espérance de vie sans incapacité, souvent confondues. D’abord parce que l’une (l’espérance de vie tout court) est calculée à partir de l’âge des décès constatés, l’autre (l’espérance de vie sans incapacité) résulte de la déclaration des intéressés. Ensuite parce que l’espérance de vie est un calcul théorique, à partir des taux de mortalité de l’année concernée. Autrement dit, c’est l’âge auquel devrait mourir un nourrisson s’il connaissait les conditions de mortalité du moment. On peut dire par exemple que « dans les conditions du moment » si l’âge légal de départ à la retraite était fixé à 64 ans, les hommes pourraient profiter pleinement d’une dizaine d’années sans travailler en fin de vie en moyenne, les femmes de 14 ans. Mais, sauf catastrophe, la réalité devrait être différente car les conditions de santé s’améliorent : pour la seule année 2021, l’espérance de vie sans incapacité forte a augmenté d’un an pour les femmes, comme pour les hommes.

Au cours de la décennie 2010, femmes et hommes ont gagné environ deux années d’espérance de vie sans incapacité forte. L’indicateur a presque autant augmenté que l’espérance de vie tout court. On vit plus vieux, mais aussi en meilleure santé. La meilleure prise en charge des limitations physiques, comme les problèmes d’audition ou de vue par exemple, a pu jouer. L’écart d’espérance de vie sans incapacité sévère entre femmes et hommes  – environ quatre ans en défaveur des hommes – est moins grand que la différence d’espérance de vie tout court (environ six ans). Cela veut dire que les femmes vivent plus longtemps, mais en plus mauvaise santé. Cela peut aussi signifier qu’elles sont aussi plus attentives à leur corps, et qu’à perte d’autonomie équivalente elles déclarent plus souvent une incapacité. Les deux jouent probablement. L’écart entre les sexes a peu évolué depuis dix ans : il a diminué entre 2011 et 2018, puis il est remonté (voir graphique).

Enfin, la crise sanitaire ne semble avoir eu que peu d’impact sur l’incapacité forte. Le ministère des Solidarités indique que les données doivent être prises avec précaution car les années 2020-2021 ont été marquées par des difficultés de collecte et que dans un contexte de restriction générale de certaines activités, certaines incapacités sont jugées moins handicapantes. Il faudra attendre les données 2022 pour réellement mesurer si l’épidémie de Covid-19 a laissé des traces.

Notes:

  1. L’espérance de vie sans incapacité tout court, souvent utilisée, est discutable car elle comprend aussi des personnes qui répondent qu’elles sont limitées dans leurs activités, mais pas fortement. L’incapacité forte comprend les personnes qui se déclarent fortement limitées dans leurs activités.