Les Français sont entrés dans l’ère des technologies de l’information et de la communication il y a 20 ans. Aujourd’hui, 94 % sont équipés d’un téléphone mobile et 86 % ont accès à Internet à domicile, selon le Crédoc (données 2020, pour les 12 ans et plus). La France est l’un des pays les mieux équipés au monde. On assiste toutefois aujourd’hui à un plafonnement, tant du mobile que de l’accès à Internet, même si l’année 2020 a marqué un regain du fait des confinements. Quatre grandes tendances se dégagent.

1- La fin annoncée du téléphone fixe

La vidéo et la musique en ligne font disparaître progressivement des salons les lecteurs DVD et CD. C’est aussi le cas du téléphone fixe. Entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, le taux d’équipement en téléphone fixe avait déjà diminué de plus de dix points, de 94 % à 82 %. Il est remonté de fait de l’essor des box jusqu’au milieu des années 2010. La baisse du prix des forfaits mobiles et l’allongement de leur durée, conjugués à l’essor de la communication via les réseaux sociaux, ont conduit à une nouvelle diminution de l’équipement en téléphone fixe entre 2013 et 2019. Le rebond de 2020 est difficile à expliquer. Il est sans doute lié aux périodes de confinement. L’usage est encore inférieur : 71 % des 12 ans et plus utilisent un téléphone fixe.

2- Tous équipés de téléphones mobiles, de moins en moins d’ordinateurs

Le téléphone mobile équipe la quasi-totalité de la population (94 %). Comme la télévision et le téléphone hier, les nouvelles technologies transforment les usages, de l’écoute de la musique aux achats, en passant par l’accès à l’information ou aux jeux. Progressivement, chacun devient connecté de plus en plus souvent, où qu’il soit. L’équipement en smartphones (84 %) progresse très rapidement, à la même vitesse que le téléphone mobile à ses débuts. L’agrandissement de la taille des écrans des téléphones a conduit à délaisser les tablettes : entre 2016 et 2019 le taux d’équipement est resté stable, mais il s’est remis à progresser à la faveur des périodes de confinement et atteint désormais 56 %.

L’équipement en ordinateur fixe chute, il n’est plus que de 61 %. L’ordinateur classique est de moins en moins utile pour l’usage le plus commun qui en est fait à la maison, la communication. L’e-mail est remplacé pour partie par les échanges via les smartphones sur les réseaux sociaux. À l’avenir, il est probable qu’il restera pour l’essentiel destiné aux jeunes dans le cadre de leurs études ou pour jouer, ainsi qu’à un usage professionnel notamment en télétravail. Aujourd’hui, 83 % des cadres sont équipés contre 57 % des ouvriers chez qui le taux a perdu 30 points depuis 2015.

3- Les inégalités d’accès se réduisent, mais les exclus du numérique demeurent

La principale fracture face au numérique reste l’âge, mais les écarts s’amenuisent vite. 93 % des 60-69 ans se connectent désormais à Internet, 71 % des 70 ans et plus. Les inégalités d’accès diminuent aussi entre catégories sociales : les ouvriers sont quasiment autant connectés à Internet que les cadres (96 % contre 99 %). Le niveau de vie n’est plus un clivage majeur. La question est désormais de savoir s’il va se passer le même phénomène que pour la télévision : pour les plus diplômés, il devient distingué de ne pas être connecté.

Cette situation ne doit pas masquer l’ampleur de la population exclue des nouvelles technologies. Le dixième de la population qui ne se connecte jamais représente environ 5,5 millions de personnes. Il s’agit le plus souvent de personnes âgées, dont une partie très âgée n’a pas nécessairement besoin d’être équipée mais une autre est exclue de services dont elle pourrait bénéficier. Ce qui est d’autant plus vrai qu’une partie des démarches ne sont plus accessibles que par le biais d’Internet. Comme pour le livre ou la télévision, l’usage reste très inégal. 30 % de la population n’a jamais fait de démarche administrative sur Internet, mais c’est le cas de 14 % des diplômés de l’enseignement supérieur contre 55 % des non-diplômés1. La large diffusion de nouvelles pratiques rend l’intensité de l’exclusion d’autant plus forte.

4- Les limites du « Net » sont-elles pour bientôt ?

Plusieurs éléments laissent à penser que l’accès à Internet commence à atteindre ses limites. La part de personnes qui se connecte à l’Internet plafonne depuis  autour de 90 %.  Une partie de la population n’a pas besoin d’être connectée. Une partie le souhaiterait, mais n’en a pas les moyens ou ne sait pas comment s’y prendre. Avons-nous atteint un maximum ? Il en est de même pour les pratiques. En 2020, la part des personnes qui ont participé à un réseau social (67 %) a bondi du fait du confinement, mais cette part avait stagné de 2017 à 2019. Les démarches administratives ou les achats en ligne ont progressé en 2020, mais elles tendaient à se stabiliser. Il est difficile de savoir ce qui se passera après la crise sanitaire et si l’on reviendra à un usage plus modéré à la situation de 2019. La complexité de l’usage et les problèmes de confidentialité posent des difficultés à une partie des utilisateurs.  Par ailleurs, il est difficile de savoir où se situent les frontières du commerce à distance et dans quelle mesure nous avons besoin et envie de voir physiquement les objets, mais aussi celui ou celle qui les vend.

L'équipement en nouvelles technologies n'est pas plus rapide que pour la télévision
La progression de l'équipement en nouvelles technologies n'est pas si spectaculaire que cela. La vitesse d'équipement en téléphone mobile (à partir de 1999) ou d'accès à Internet (à partir de 2002) est très semblable à celle de la télévision à partir du début des années 1960 (voir graphique), même si le téléphone mobile a démarré beaucoup plus vite les trois premières années. Au bout de huit années (au début des années 1970), l'équipement en téléviseurs a atteint le même niveau que celui en téléphones mobiles au milieu des années 2000. L'accès à Internet suit exactement la même évolution que le petit écran. Ces nouveaux objets et ces nouvelles technologies se diffusent très rapidement dans une société de consommation aux niveaux de vie élevés.

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Notes:

  1. Attention, une partie de cet écart s’explique par un effet d’âge : les plus âgés sont aussi en moyenne moins diplômés