
Un peu moins de la moitié des Français (48 %) répondent aux sondeurs qu’ils sont d’accord avec l’affirmation selon laquelle « il y a trop d’immigrés en France », selon les données de novembre 2024 de l’institut Vérian (ex-enquête Sofres). Ce chiffre est la somme de deux réponses qui n’ont pas vraiment le même sens. Les 48 % comprennent en effet d’abord 17 % de sondés qui se disent « tout à fait » d’accord avec l’expression. Une réponse claire, qui correspond à peu de chose près à la part de ceux qui s’estiment plutôt raciste ou un peu raciste. En dépit de l’élévation du niveau de diplôme des générations, la xénophobie reste présente en France. Ils comprennent ensuite 31 % de sondés « plutôt » d’accord, un terme vague. Une partie de la population française peut par exemple penser que les immigrés sont trop nombreux dans certains quartiers, sans être opposée à leur présence en France. Ce « plutôt » peut aussi signifier que les sondés aimeraient que les pouvoirs publics prennent davantage en considération les difficultés sociales auxquelles ils sont confrontés. Une mode d’expression d’une exaspération qui dépasse de loin le rejet des étrangers.

En matière de valeurs, les évolutions sur le long terme ont bien plus d’intérêt que la photographie du moment. Mis bout à bout, les sondages font apparaître au fil des années une nette baisse de la part des Français qui sont « plutôt » ou « tout à fait d’accord », de 60 % au début des années 20001 à 48 % en 2024. La réduction a surtout eu lieu à la fin des années 2000 et à la fin des années 20102. Au cours des deux dernières années, la surmédiatisation de propos xénophobes sur les réseaux sociaux et certaines chaînes de télévision d’information, à travers notamment quelques faits divers, a conduit à une hausse en 2023 puis une nouvelle diminution en 2024. La baisse est encore plus marquée si l’on se concentre sur ceux qui expriment un rejet net, en se disant « tout à fait » d’accord avec la thèse selon laquelle il y aurait « trop d’immigrés ». Cette part a été presque divisée par deux depuis 20 ans, de 31 % à 17 % en 2024.

D’autres enquêtes montrent que les Français sont beaucoup plus tolérants vis-à-vis des personnes d’origine étrangère qu’on ne le dit, et cette tolérance s’accroît (voir notre article). Selon la CNCDH, la part des personnes « plutôt » ou « tout à fait » d’accord avec l’affirmation « l’immigration est une source d’enrichissement culturel » est ainsi passée de 50 % au milieu des années 1990 à 70 % en 2002 et elle oscille autour de ce chiffre depuis (74 % en 2022).

La mise en scène médiatique de l’hostilité aux immigrés s’explique par différents facteurs. Quand les niveaux du chômage et de la précarité demeurent élevés, l’insertion professionnelle des personnes les moins qualifiées (nombreuses parmi les personnes d’origine étrangère) est plus difficile, d’autant plus quand elles sont concentrées sur un espace réduit du territoire. Face à des difficultés sociales, les étrangers ont toujours été utilisés comme boucs émissaires. Jouer sur les peurs fait de l’audience, et les réseaux sociaux polarisent les positions. L’utilisation de faits divers alimente les discours xénophobes. Enfin, une part importante des journalistes relaie ces positions sans réellement maîtriser la valeur d’interprétation des sondages.
La formulation des questions en question
La question est formulée pour aboutir à une part élevée de « trop d'immigrés ». Les sondeurs recherchent les clivages repris par la presse, non la nuance. Un exercice réalisé par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) en 2000 avait donné des résultats édifiants. L’organisme avait posé la même question avec deux modalités de réponse. Dans un cas, à la question « y a-t-il trop d'immigrés ? », on ne pouvait répondre que « trop » ou « pas trop ». Dans l'autre cas, on pouvait répondre « trop », « juste assez » ou « pas assez ». Dans le premier cas, 60 % de personnes estimaient qu'il y avait « trop » d'immigrés et 30 % « pas trop », 10 % ne sachant pas répondre. Dans le second, on obtenait 48 % de « trop » et 43 % de « juste assez », 1 % de « pas assez », 8 % ne se prononçant pas.
Photo : Tim Mossholder / Unsplash
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