La population détenue a augmenté de 88 % en France entre 1980 et 2018 (données au 1er janvier), de 36 000 à 68 0001, selon le ministère de la Justice. Le nombre de détenus a nettement progressé au cours des années 1980. Il grimpe alors de 40 à 50 000. Puis, entre la fin des années 1980 et le début des années 2000, la hausse s’est ralentie : la population détenue revient à 47 000 en 2001, après avoir atteint 55 000 en 1996. La progression reprend rapidement au début des années 2000. Entre 2002 et 2017, elle a augmenté de 40 %, soit 20 000 détenus supplémentaires.
La part de la population carcérale dans la population totale est passée de 60 à 100 personnes pour 100 000 habitants depuis les années 1980. La France est parmi les pays d’Europe celui où ce chiffre est le plus élevé, même s’il atteint 187 en Pologne. Dans les pays du nord de l’Europe on compte deux fois moins de détenus par habitant. La variation du nombre de personnes incarcérées dépend à la fois du nombre de condamnations et de la durée des peines. Les deux facteurs ont joué depuis le début des années 2000. Au total 87 300 années de prison ont été prononcées en 2016 contre 66 100 en 2004, selon le ministère2.
Cette évolution a pour conséquence une surpopulation carcérale considérable : on compte 117 détenus pour 100 places selon le ministère (données au 1er décembre 2017). Cette moyenne masque la situation dramatique des maisons d’arrêt, établissements qui hébergent les détenus en cours de jugement ou qui purgent des peines de moins de deux ans, soit les deux-tiers de l’ensemble des détenus. On y compte 140 détenus pour 100 places. La plus grande prison française, Fleury-Mérogis rassemble 150 détenus pour 100 places : pas moins de 4 300 personnes doivent s’entasser dans un établissement prévu pour accueillir 3 000 prisonniers. Dans les prisons de Bois d’Arcy, Meaux, Nîmes ou Évreux, on enregistre deux fois plus de prisonniers que de places et nombreux sont ceux qui doivent se contenter d’un matelas à même le sol. Un grand nombre de rapports officiels dénoncent régulièrement les conditions déplorables de détention en France : « Les visites réalisées en 2016 ont confirmé les constats des années antérieures : surpopulation généralisée dans les maisons d’arrêt, insuffisance de personnel, vétusté d’un grand nombre de bâtiments, manque d’activités, difficultés d’accès aux soins, excès des contraintes de sécurité », rappelle encore le rapport d’activité 2016 de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan3.
Qui sont les détenus ?
On sait assez peu de choses sur la population détenue. Massivement, les prisonniers sont issus de milieux populaires. Selon un rapport du ministère de la Justice, 48 % n’ont aucun diplôme et 80 % ont au mieux le niveau CAP. Les détenus sont à 96,5 % des hommes. L’âge médian est de 31,7 ans et on compte 1 % de mineurs (données au 1er janvier 2017). La proportion d’hommes détenus croît de l’adolescence à l’âge adulte, où elle atteint environ 800 pour 100 000 entre 20 et 30 ans, puis décroît rapidement. 20 % des détenus sont étrangers, proportion trois fois supérieure à leur part dans la population totale. Les étrangers ne sont pas plus délinquants ou criminels que les Français, mais la population étrangère est plus jeune, plus masculine et moins diplômée, caractéristiques majeures des emprisonnés. Pour porter un jugement, il faudrait par ailleurs mesurer la capacité des individus à échapper à la police, ainsi que la sévérité de la justice, en fonction des critères démographiques et sociaux. Une étude sur les pratiques de la justice a montré que les étrangers étaient – toutes caractéristiques égales par ailleurs – 4,8 fois plus souvent condamnés à de la détention provisoire (données collectées entre 2000 et 2009).
Notes:
- Hors détenus sous surveillance électronique. ↩
- L’évolution des peines d’emprisonnement de 2004 à 2016, Infostat Justice n°156, ministère de la Justice, décembre 2017. ↩
- Voir aussi le travail de la section française de l’Observatoire international des prisons. ↩