Les inégalités d’espérance de vie sont considérables entre groupes sociaux. À 35 ans, un cadre supérieur peut espérer vivre 49 ans dans les conditions actuelles de mortalité, contre 44 ans pour un ouvrier, selon les données pour la période 2020-2022 de l’Insee. Une femme cadre peut compter vivre 53 ans, contre 50 ans pour une ouvrière.
De nombreux facteurs expliquent ces écarts. Les catégories favorisées accèdent à des soins de meilleure qualité et consultent plus souvent des médecins, et plus souvent de manière préventive. Ce phénomène ne joue cependant pas un rôle déterminant : les femmes ouvrières ont une espérance de vie supérieure à celle des hommes cadres. Les habitudes de vie comptent beaucoup : les milieux sociaux ne portent pas la même attention à leur corps, que ce soit en matière d’alimentation, de tabagisme ou de prévention. Les ouvriers sont deux fois plus souvent fumeurs que les cadres par exemple. Les moins qualifiés commencent à travailler plus tôt et occupent des emplois plus durs physiquement, qui usent les corps. Les hommes sont en particulier concernés. Dans les métiers physiques, particulièrement chez les hommes, l’endurance à la douleur est valorisée (parfois obligatoire pour ne pas perdre son travail) et conduit parfois à des soins tardifs.
Les dernières données de l’Insee font apparaître un changement de tendance inédit. Pour la première fois depuis leur publication par l’institut, l’écart d’espérance de vie à 35 ans se réduit entre les cadres et les ouvriers chez les hommes. Alors que celui-ci était toujours supérieur à six années depuis les années 1970 (et même sept pour la période 1991-1999), il a baissé à 5,2 années pour la période 2020-2022. Ce n’est pas le cas chez les femmes pour qui les inégalités entre les ouvrières et les cadres tendent à s’accroître légèrement, de 3,1 années en 1976-1984 à 3,4 années en 2020-2022.
Pour expliquer ce retournement de tendance, l’Insee signale un possible effet de la baisse des taux de décès suite à un cancer du poumon chez les hommes. C’est l’inverse chez les femmes, pour qui les taux de décès pour cette maladie continuent à progresser. Il est aussi possible que les ouvriers aient davantage bénéficié d’évolutions techniques réduisant la pénibilité extrême du travail. L’élévation du taux d’activité féminin dès les années 1960-1970 fait aussi que, globalement, les femmes des générations qui décèdent aujourd’hui ont eu des vies professionnelles plus longues.
Photo : © Centre d’observation de la société