Les inégalités face au chômage sont en grande partie déterminées par le niveau de diplôme. En 2020, 14,4 % des personnes n’ayant aucun diplôme étaient au chômage, contre 5,3 % de celles qui disposaient d’un niveau supérieur à bac+ 2. Parmi les chômeurs, près de 20 % n’ont aucun diplôme et les trois quarts ont au maximum le bac.

Au cours des 20 dernières années, la situation a peu évolué. Chez les non-diplômés, la crise de 2008 a entraîné une poussée très forte du taux de chômage, qui a dépassé 19 % en 2016. Le taux est ensuite redescendu à son niveau du milieu des années 2000 dans un mouvement de baisse important. Chez ceux qui disposent d’un niveau de diplôme supérieur à bac + 2, les évolutions économiques jouent peu. Le taux de chômage est resté stable, entre 5 % et 6 %.

Ce grand écart entre non-diplômés et diplômés dans l’emploi est sans doute l’une des fractures les plus importantes de notre société : du fait de l’influence du milieu familial sur les résultats scolaires, ceux qui n’ont pas de titre scolaire valorisé sont eux-mêmes le plus souvent issus de milieux sociaux très modestes. Cette situation entraîne de fortes tensions entre ceux qui ont accès aux bonnes filières éducatives et ceux qui sont rejetés de la compétition scolaire, très vive dans notre pays.

Médiatiquement, les difficultés d’insertion des diplômés occupent une place bien plus grande que celles des jeunes sans diplôme qui naviguent souvent entre emploi précaire et chômage. Cette situation résulte de deux facteurs. Les diplômés sont bien mieux organisés (par exemple avec des syndicats étudiants), maîtrisent l’expression publique et disposent de relais auprès de journalistes eux-mêmes diplômés. En même temps, le phénomène de déclassement de jeunes diplômés est, en quantité, de plus en plus massif. Leur taux de chômage est stable, mais la hausse de leur nombre est spectaculaire : en 20 ans, il a été multiplié par deux, de 200 000 à 400 000, du fait de la croissance des effectifs de diplômés. En 2020, pour la première fois, on compte autant de chômeurs diplômés au-delà de bac +2 que de non-diplômés. Il faut ajouter à cela qu’au sein même des diplômés de l’enseignement supérieur, les inégalités sont considérables.

En fin de compte, la société française est face à un double défi. D’un côté, réduire les écarts en diminuant l’emprise du diplôme initial sur les parcours de vie et en facilitant l’insertion dans l’emploi de ceux qui n’ont pas décroché le titre scolaire adéquat. De l’autre, limiter le déclassement de ceux qui obtiennent des diplômes élevés. L’enseignement supérieur est confronté depuis dix ans à une très forte progression de ses effectifs, dans des conditions d’étude rendues de plus en plus difficiles. Si les débouchés ne suivent pas, la situation risque d’être problématique.