Les pratiques numériques ont explosé au cours des années 2000 et 2010. En 2009, 47 % des Français utilisaient Internet tous les jours, en 2022 ils sont 71 %, selon l’Insee1. Lecture de vidéos, jeux, échange de messages, photos…, nos modes de vie en sont modifiés en profondeur.
L’usage du numérique est d’abord porté par les loisirs. Selon le Crédoc, 58 % des Français regardent des vidéos sur Internet et 62 % jouent en ligne (données 2022)2. Les adeptes des vidéos les regardent en moyenne onze heures par semaine. L’usage de la télévision a chuté, notamment chez les jeunes (lire notre article).
Au-delà, ces technologies constituent le support de nombreuses activités. Utiliser internet est désormais presque obligatoire pour accéder aux services publics : entre 2009 et 2022, la part d’utilisateurs de l’administration en ligne est logiquement passée de 42 % à 75 %. La proportion d’acheteurs en ligne est quant à elle passée de 39 à 70 % et ceux qui consultent leur compte en banque sur internet de 39 à 62 %.
Le numérique permet d’échanger. Les groupes de messagerie font partie de la vie de très nombreuses familles et cercles d’amis. Selon le Crédoc, la part de ceux qui utilisent leur téléphone pour s’envoyer des messages de cette manière a augmenté de 17 % à 79 % entre 2014 et 2022. Le rôle des réseaux sociaux s’entend, pour s’informer, commenter, échanger. La part de ceux qui avaient posté un message ou créé un profil sur les réseaux sociaux au cours des trois derniers mois est ainsi passée de 23 % à 41 % entre 2009 et 2022.
L’âge, facteur le plus important
L’âge est le facteur qui influence le plus les pratiques numériques. 95 % des 15-19 ans se connectent quotidiennement à Internet (données Insee 2022), contre 23 % des personnes âgées de 75 ans et plus. La progression du numérique se fait désormais davantage chez les aînés, à partir de 60 ans, que chez les plus jeunes où elle est déjà très élevée. L’écart entre les femmes et les hommes – ces derniers étaient plus utilisateurs à la fin des années 2000 – s’est comblé. Enfin, les inégalités entre milieux sociaux diminuent mais demeurent marquées : 20 points séparent les cadres (95 %) et les ouvriers (76 %) en matière de connexion quotidienne.
Une part non négligeable de la population continue à ne pas se servir ou très peu du numérique. 15 % des 15 ans et plus n’utilisent pas Internet, 25 % n’y font aucune démarche administrative, 60 % ne se servent pas des réseaux sociaux. Dans certains domaines, les inégalités sociales demeurent considérables : seuls 2,7 % des cadres supérieurs n’utilisent pas les services publics en ligne, contre 19 % des ouvriers. La situation est particulièrement sensible quand l’accès au numérique devient quasiment obligatoire pour bénéficier d’un service. Pour l’Insee, 15 % de la population demeure en situation « d’illectronisme »3
Le sentiment d’exclusion peut d’ailleurs être d’autant plus fort que l’accès a progressé et que la société fait comme s’il allait de soi d’utiliser ces technologies, notamment chez les plus jeunes. Si l’on prend les 15-44 ans (l’Insee ne publie pas de données plus fine par âge), à partir du niveau bac, quasiment tous (99 %) utilisent Internet, mais ce n’est pas le cas de 7 % des personnes qui n’ont aucun diplôme. La moitié des premiers sont sur les réseaux sociaux, contre seulement 21 % des seconds. 94 % manient les services administratifs en ligne, contre moins d’une personne sans diplôme sur deux. L’extension des pratiques numériques masque l’existence d’une population peu qualifiée, parfois âgée, qui ne sait pas utiliser ces nouveaux outils ou n’en voit pas l’utilité.
Jusqu’où s’étendront les pratiques numériques ? Le processus est loin d’être achevé et il est probable que les plus âgés seront de plus en plus connectés et qu’un effet de génération va jouer : en vieillissant, les personnes âgées ne décrocheront pas toutes. Cependant, les dernières données de l’Insee font apparaître au moins un ralentissement, sinon un plafonnement : la part de personnes connectées tous les jours est en 2022 au même niveau qu’en 2019, à 71 %. Celle de ceux qui utilisent les réseaux sociaux plafonne autour de 40 %. Les limites de l’usage d’Internet seront bien atteintes un jour.
Réseaux sociaux, une illusion médiatique Les réseaux sociaux, d’X à Facebook en passant par Instagram ou Tik Tok, monopolisent l’attention médiatique. Ce qui y est publié détermine une partie de l’agenda du débat public du fait de la croyance en l’audience qu’elle représente en « re-tweet », like ou autre. Les mesures du nombre de « vues » deviennent de plus en plus précisent et servent à illustrer « ce qui intéresse les Français ». C’est oublier que la majorité de la population (60 %) ne fréquente jamais ces réseaux. À partir de 60 ans, c’est même 80 % et à 94 % chez les plus de 75 ans. Et encore, on compte parmi les « utilisateurs » des personnes qui ne pratiquent les réseaux sociaux que de manière très occasionnelle. Cette situation entraîne un décalage entre la production journalistique et les centres d’intérêts de la population, et notamment se répercute sur les politiques publiques.
Photo : Philipp Katzenberger / Unsplash
Notes:
- L’usage des technologies de l’information et de la communication par les ménages entre 2009 et 2022, Insee Résultats, Insee, mai 2023. Les données portent sur les 15 ans et plus ↩
- Baromètre du numérique, édition 2023, Crédoc, janvier 2023. Les données portent sur les 12 ans et plus. ↩
- 15 % de la population est en situation d’illectronisme », Insee première n°1953, Insee, juin 2023. ↩