La pauvreté affecte d’abord les plus jeunes. En premier lieu, les jeunes adultes (de 18 à 29 ans), catégorie d’âge pour laquelle la progression a été la plus forte ces quinze dernières années : leur taux de pauvreté a augmenté de 8,2 % à 12,5 % entre 2002 et 2018, soit une progression de 50 %. Une grande partie de la dégradation de leur situation a eu lieu au début des années 2000 : dès 2005, leur taux de pauvreté atteignait déjà 11 %. Leur sort n’a rien à voir avec celui des enfants (les moins de 18 ans) : il s’agit de jeunes adultes, souvent peu diplômés, qui peinent à s’insérer dans le monde du travail et qui sont contraints de vivre avec de très bas revenus (indemnités de stage, bas salaires, soutien parental, etc.). Les 18-25 ans n’ont pas le droit – sauf rares exceptions – aux minima sociaux. Au total, un million d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté.
La pauvreté frappe durement les enfants dont les parents ont de faibles niveaux de vie. Leur taux de pauvreté était tombé à 8,3 % au début des années 2000, il atteint 11,6 % en 2018, selon les données de l’Insee (au seuil de pauvreté à 50 % du niveau de vie médian). Pas moins de 1,6 million de mineurs sont concernés. Ils ne sont pas pauvres eux-mêmes mais des enfants « de » pauvres : ils vivent au sein de familles aux faibles revenus, soit du fait de la situation économique, soit suite à une séparation, parfois des deux. Ces enfants ne vivent pas tous dans la misère, mais sont loin d’accéder aux normes de la société de consommation française que leur renvoie sans cesse notamment la publicité. Les plus touchés sont ceux dont les parents ont des charges de logement élevées, en particulier ceux qui vivent dans les grandes villes.
La progression est sensible pour les adultes. Le taux de pauvreté est passé de 5,8 % à 7,5 % pour les 30-39 ans entre 2004 et 2011 et de 6,5 % à 8,4 % pour les 40-49 ans entre 2007 et 2012. La majeure partie de ces hausses ont eu lieu avant la crise financière de la fin des années 2000. Le phénomène le plus nouveau est l’augmentation de la pauvreté chez les plus âgés. Chez les 50-64 ans, le taux de pauvreté a progressé de 5,6 % en 2005 à 7,7 % en 2018. Au cours de cette période, le nombre de pauvres de cet âge a cru de 45 %. Si ce mouvement se confirmait ce serait un changement d’importance car, au cours des décennies 1970 et 1980 en particulier, la baisse de la pauvreté aux âges élevés a été massive.
Pour les plus âgés, après 70 ans, les changements sont moindres. Le taux de pauvreté des 65-74 ans oscille entre 2 % et 3,5 %. Celui des 75 ans ou plus a assez nettement diminué, d’un maximum de 4 % en 2008 à 3 % dix ans plus tard. Cette évolution en haut de la pyramide des âges est trompeuse car elle résulte de la conjonction de deux mouvements opposés qui se compensent : le niveau des pensions de retraite perçues par les femmes âgées augmente du fait de la hausse de leur taux d’activité au cours des dernières décennies, mais, en même temps, des générations qui ont pu connaître le chômage arrivent à l’âge de la retraite avec donc des revenus plus faibles.
Finalement, le bilan de la période 2002-2018 demeure marqué par la hausse de la pauvreté chez les plus jeunes. Le nombre d’enfants « de » pauvres et de jeunes adultes démunis a augmenté de 830 000, contre + 590 000 pour toutes les générations plus anciennes. Même si cette pauvreté des plus jeunes résulte de facteurs différents, cette évolution appelle des réponses, tant pour les enfants (souvent issus de familles monoparentales) que pour les jeunes adultes qui, par exemple, n’ont pas droit aux minima sociaux.
Il faut se méfier d’une vision simpliste de la pauvreté par âge. Les jeunes pauvres le sont surtout parce qu’ils sont des enfants de milieux populaires ou des jeunes actifs peu qualifiés : leur pauvreté est pour une grande part liée à leur appartenance à un milieu social et non à des accidents de la vie. Les inégalités sociales à l’école constituent pour eux l’obstacle numéro un. Les plus âgés sont bien moins nombreux à vivre sous le seuil de pauvreté, mais ils ne sont pas pour autant épargnés. Leur taux de pauvreté augmente nettement chez les 50-65 ans. Il est important de comprendre que la pauvreté des plus âgés n’a pas grand-chose à voir avec celle des jeunes. Avec l’âge, l’espoir de voir sa situation personnelle s’améliorer diminue voire disparaît. La pauvreté est moins fréquente chez les aînés, mais elle est plus durable. Ce qui implique des politiques différentes, dans le soutien à long terme et la formation pour ceux qui sont encore sur le marché du travail.