Chaque année, les Français achètent six millions de voitures neuves ou d’occasion, selon le ministère des Transports1, une pour cinq ménages environ. Si l’usage plafonne, le budget des ménages consacré à l’automobile — l’achat mais aussi l’entretien — est considérable. C’est aussi un objet d’attentions permanentes de la part de ceux qui en possèdent et un marqueur social.

Le type de voiture que l’on possède dépend des moyens dont on dispose. Les véhicules neufs représentent plus du quart des achats des 10 % les plus riches, contre seulement 4 % chez les 10 % les plus pauvres. Les proportions sont inversées pour les véhicules anciens : ceux qui ont entre 15 et 20 ans d’âge constituent 24 % des achats du dixième le plus modeste, contre 5 % des plus aisés.

Ces données masquent le fait que les 10 % les plus riches achètent globalement davantage de voitures que les 10 % les plus pauvres qui n’ont souvent pas les moyens d’en posséder une. Elles mélangent aussi des achats de véhicules qui n’ont rien en commun : entre une Dacia Sandero (un des véhicules les moins chers du marché) et une Audi Q4 haut de gamme, il y a un monde et plusieurs dizaines de milliers d’euros d’écart. Avec des conséquences notables en matière de confort lors des déplacements, de fréquence des pannes et de sécurité sur la route notamment2. Pour les catégories les plus modestes, la peur de la panne, de l’échec au contrôle technique ou de l’accident constitue une préoccupation bien plus grande que pour les catégories aisées.

On ne dispose pas de données détaillées sur la gamme de véhicules achetés selon le niveau de vie. En revanche, celles qui concernent les ventes de voitures tout-électrique sont édifiantes. Celles-ci représentent 1 % des achats des plus pauvres contre 8 % des plus riches. À l’avenir, le parc automobile devrait de moins en moins dépendre des carburants fossiles du fait de la baisse des prix des véhicules électriques, liée à l’augmentation de la taille des séries3 pour les constructeurs et du développement du marché de l’occasion. Pour l’heure, on comprend le dilemme posé à notre société. Réduire l’usage de l’auto et moderniser le parc est un impératif si l’on veut faire baisser les émissions polluantes et sauver des vies. Mais exclure certains territoires aux véhicules les plus anciens (les zones à faible émission dans les métropoles) va pénaliser les ménages modestes. Il faut s’attendre à des contestations de taille compte tenu de la place qu’occupe toujours l’auto dans la société française.

Photo : Baptiste Prat/Unsplash

Notes:

  1. « Achats automobiles en 2022 : moins de motorisations thermiques et des véhicules plus récents pour les ménages les plus aisés », SDES, 27 mars 2024. https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/achats-automobiles-en-2022-moins-de-motorisations-thermiques-et-des-vehicules-plus-recents-pour-les.
  2. Voir Accidents de la route et inégalités sociales, Matthieu Grossetête, éd. du Croquant, 2021
  3. Le nombre de véhicules vendus : les prix à l’unité sont plus élevés quand il s’agit de produire un petit nombre de voitures.