On compte environ 250 000 ruptures de couples de personnes âgées entre 25 et 45 ans chaque année si l’on additionne les divorces, les ruptures de Pacs et d’union libre, selon l’Insee.  Une séparation réduit considérablement le niveau de vie des ex-partenaires, en particulier des femmes : celles-ci perdraient 14,5 % en moyenne de leurs ressources (voir tableau) alors que si elles étaient restées en couple leur niveau de vie aurait progressé de 5,5 %, selon l’Insee (données 2010)1. Si l’on compare le niveau de vie des femmes séparées et celles qui sont restées en couple, la perte totale de niveau de vie pour les premières est donc de 20 % (14,5 %+ 5,5 %).

L’inégalité des revenus entre hommes et femmes vivant en couple est le premier effet qui pèse sur les revenus après une séparation. La mise en commun des ressources dans le couple élève le niveau de vie des femmes, la séparation met fin à cette redistribution. L’impact est massif. Si l’on ne tient pas compte des pensions alimentaires et des prestations sociales, le niveau de vie des femmes baisse de 35 %, en moyenne. Les femmes de milieu populaire sont les plus touchées : elles perdent 62 % en moyenne, contre 16 % pour celles qui se situent dans la tranche des 50 à 75 % les plus aisées (l’Insee ne donne pas le chiffre pour le quart le plus aisé). Le niveau de vie des hommes s’élève lui en moyenne de 24 %.

Les pensions alimentaires versées aux mères par les pères pour l’entretien et l’éducation des enfants n’atténuent guère ce phénomène : la baisse du niveau de vie des femmes passe de 35 % à 29 % en moyenne et de 62 % à 54 % pour le quart des femmes les moins favorisées. Depuis, le versement des pensions reste très aléatoire. Toujours selon l’Insee, 12 % des femmes séparées ayant des enfants mineurs indiquent que ces pensions seraient versées « très rarement ou jamais » et 6 % « pas systématiquement ou pas dans leur intégralité »2, soit un total de 18 %. Une question sociale majeure, pourtant peu débattue. Si l’on applique ce taux de 18 % aux 1,6 million de femmes à la tête d’une famille monoparentale (en prenant en compte le fait que des pensions sont dues dans 80 % des séparations avec enfants) 230 000 femmes et leurs enfants sont en difficulté financière du fait du non ou du mal versement des pensions dues par leur ancien conjoint3.

Les prestations sociales et la fiscalité amortissent aussi le choc : la perte de niveau de vie des femmes est alors divisée par deux, de 29 % (revenu après pensions alimentaires) à 14,5 % (après pensions alimentaires, prestations sociales et impôts). Le gain masculin est réduit de 15 % à 3,5 %. Ceci est principalement lié d’un côté aux allocations familiales et logement touchées par les femmes et de l’autre aux impôts plus élevés payés par les hommes, qui déduisent les pensions alimentaires de leur impôt sur le revenu mais perdent la réduction pour enfant à charge. Si les femmes situées dans la tranche des 50 à 75 % des niveaux de vie supérieurs ne connaissent au bout du compte qu’une faible baisse de leur niveau de vie (2 %). Pour celles qui appartiennent au quart les plus pauvres celui-ci subit encore une chute de 34 %. Presque deux fois moins que les 62 % de départ, avant transferts et pensions alimentaires, mais cela reste un niveau considérable.

Liberté chèrement payée

Ces données évaluent les conséquences en 2010 d’une rupture ayant eu lieu en 2008. Elles ne prennent pas en compte le coût du logement qui a un poids élevé sur le reste à vivre des ex-partenaires : la baisse de niveau de vie réel est supérieure pour les femmes et le gain moins grand pour les hommes. A plus long terme, les conséquences économiques d’une séparation peuvent être amorties. Une partie des femmes reprennent un emploi ou augmentent leur temps de travail. De nouveaux couples se reforment, les hommes plus rapidement que les femmes : cinq années après une séparation, 57 % des premiers ont fondé un nouveau couple, contre 46 % des secondes, selon l’Insee (données 2013).

Avoir la faculté de mettre fin à une union qui ne fonctionne plus est une avancée sociale majeure, en particulier pour les femmes ; l’un des acquis de la fin du XXe siècle en matière de libertés individuelles. Mais cette liberté est souvent chèrement payée. Avant prestations sociales, les deux tiers des femmes seules avec enfant(s) disposent d’un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté à 60 %. Le modèle social français réduit les effets de la séparation mais même après prestations le taux de pauvreté reste de 42 % pour ces familles.

Notes:

  1. « Les variations du niveau de vie des hommes et des femmes à la suite d’un divorce ou d’une rupture de Pacs », Carole Bonnet, Bertrand Garbinti et Anne Solaz, in « Couples et familles », éd. 2015 Insee références, décembre 2015.
  2. « Résidence et pension alimentaire des enfants de parents séparés : décisions initiales et évolutions. », Laurette Cretin, in « Couples et familles », éd. 2015 Insee références, décembre 2015.
  3. Et encore, ce chiffre est sous-estimé car la part de pensions non versées est calculée à partir de femmes divorcées, il ne comprend pas les ruptures d’union libre.