La structure de l’emploi par catégorie socioprofessionnelle est tirée vers le haut par l’élévation des qualifications, le développement du secteur des services et le déclin de l’industrie. La part des cadres supérieurs parmi les emplois a presque triplé entre 1982 et 2021, passant de 8 % à 22 %. Celle des anciens « cadres moyens », devenus les « professions intermédiaires », a augmenté de 19 % à 25 %. Rassemblés, les cadres supérieurs et les professions intermédiaires forment 47 % des emplois, contre 27 % au début des années 1980.
Au cours des trois dernières décennies, la part des catégories populaires a diminué. Les ouvriers ont vu fondre leurs effectifs, de 30 % à 19 % du total. La part des employés a progressé jusqu’au milieu des années 2000, puis elle a diminué. Au bout du compte, elle est restée stable à 25 % sur l’ensemble de la période 1982-2021. Si les métiers de ces deux catégories sociales diffèrent, ouvriers et employés partagent de faibles niveaux de rémunérations et de diplômes. Nombre d’employés exercent des métiers aux conditions similaires à celles des ouvriers : bas salaires, faible autonomie, pénibilité physique et forte précarité du statut. Ces deux grandes catégories ont des modes de vie communs et un grand nombre de couples sont formés d’un homme ouvrier et d’une femme employée. Deux autres grandes catégories sociales – composées de professions indépendantes aux statuts sociaux très inégaux – ont perdu du terrain : l’ensemble « artisans, commerçants et chefs d’entreprise » (de 7,7 % à 6,5 %) et surtout les agriculteurs exploitants (7 % à 1,5 % de l’emploi).
Baisse de la part des employés
La période plus récente est marquée par plusieurs évolutions, peu évoquées dans le débat public. La plus importante est la réduction de la part des employés depuis la fin des années 2000. Depuis 2008, elle a baissé de 29 % à 26 % de l’emploi rompant des décennies de progression. L’« archipel des employés » si bien décrit par le sociologue Alain Chenu1, vacille. Si la part des employés qualifiés décline depuis le début des années 2000, c’est aussi le cas des employés non qualifiés depuis le milieu des années 2010.
La diminution de la part des deux grands piliers des catégories populaires contraste avec la progression des professions intermédiaires, désormais seconde catégorie sociale en taille (25 % du total, juste après les employés). Fait très symbolique, celle des cadres supérieurs, dont la dynamique est réelle, est passée devant celle des ouvriers en 2019. L’allongement des scolarités et l’élévation globale des qualifications permettent et nourrissent cette transformation. Enfin, la diminution de la part des non-salariés (artisans, commerçants et chefs d’entreprise) est enrayée depuis le milieu des années 2000. On n’assiste pas à l’explosion souvent décrite du travail indépendant, mais tout se passe comme si le salariat – qui regroupe neuf emplois sur dix – avait atteint un plafond (lire notre article).
Translation vers le haut
La structure sociale de l’emploi en France est marquée par une translation vers le haut et non par un phénomène de polarisation comme on l’indique parfois. Au déclin du monde ouvrier s’ajoute depuis la fin des années 2000 celui des employés. La part des professions intermédiaires (le cœur des couches moyennes) et celle des cadres supérieurs (dont une partie constitue le haut des classes moyennes) progresse nettement. Le phénomène dit de « moyennisation » se poursuit à un rythme lent (lire notre article).
Cette évolution par le haut des emplois, à travers une montée en qualifications progressive, ne signifie pas que l’on assiste à un processus de « moyennisation de la société », comme on a pu le croire jusque dans les années 1980-1990. La baisse de l’emploi peu qualifié dans les services est récente, et elle est en partie compensée par la progression des postes non salariés, avec des emplois d’exécution payés à la tâche, par exemple pour les plateformes de livraison de repas. Enfin, cette tendance lente ne doit pas faire oublier que globalement, presque un emploi sur deux demeure occupé par un employé ou un ouvrier. Les classes populaires existent encore en France.
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Notes:
- L’archipel des employés, Alain Chenu, Insee, 1991. ↩