L’examen du permis de conduire est celui qui concerne le plus de personnes chaque année dans notre pays : pas moins de 850 000 personnes obtiennent le permis auto et 100 000 le permis moto. Pour les jeunes, ce document est une étape clé vers l’autonomie et, dès 24 ans, plus de 80 % des jeunes l’ont selon une étude menée par l’Injep (données 2014)1. Le taux plafonne ensuite autour de 90 % après 30 ans.
Le permis coûte cher. Sans le recours à leurs parents, très peu de jeunes peuvent se le payer. 85 % des jeunes se font aider, pour un montant moyen de 1 400 euros. Logiquement, les enfants issus des familles les plus modestes ont beaucoup moins souvent leur permis que les autres : la moitié des jeunes dont la famille appartient aux 20 % les plus modestes est dans ce cas, contre les trois quarts de ceux dont les parents figurent parmi les 20 % les plus riches2. Ces chiffres trop généraux masquent la situation des 10 % ou des 5 % les plus pauvres, ainsi que l’ampleur de l’effort économique fait par les jeunes et les familles modestes de milieu périurbains, ruraux ou qui vivent dans des territoires mal desservis. Certes, plus des trois quarts des jeunes de la campagne ont le permis, mais au prix d’un sacrifice important pour les familles.
Accéder à un moyen de transport motorisé est un marqueur de l’autonomie des jeunes, fortement valorisé. « Si la jeunesse retarde l’accès au permis et l’achat d’une voiture, ce n’est pas que le besoin ou l’envie d’automobile aient disparu, mais simplement qu’elle attend sur le bord de la route des conditions plus favorables. », indique le sociologue Yan Demoli 3. Pour certains, c’est une condition d’accès à l’emploi : un quart des 18-30 ans dit avoir renoncé à un emploi faute de moyen de mobilité, selon une enquête Injep-Crédoc de 2017. Au-delà, la liberté offerte par l’automobile est synonyme de sociabilité, de loisirs et véhicule une image de soi positive. Ne pas y accéder a des conséquences : « Alors même que les jeunes de catégories populaires voient le permis et la possession d’un véhicule comme une étape importante d’accès à l’autonomie et un marqueur socialement valorisant, ils sont ceux qui ont le moins facilement accès aux transports motorisés », expliquent les auteurs de l’étude de l’Injep. De quoi entraîner quelques frustrations chez les jeunes de ces milieux.
Notes:
- « Les aides parentales sources d’inégalités d’accès au permis de conduire », Catherine Bunel et Quentin Francou, Analyses et synthèses n°13, mai 2018, Injep. ↩
- Il s’agit ici de données moyennes pour les 18-24 ans. ↩
- « Les jeunes et la voiture, un désir contrarié », Yan Demoli, Metropolitiques.fr, version du 9 octobre 2017. ↩