Très souvent, les sans-domicile ne perdent pas leur logement, ils n’en ont jamais eu : 43 % des sans-domicile recensés par l’Insee en 2012 déclarent ne jamais avoir occupé de logement indépendant.1. Parmi ceux qui n’ont jamais eu de logement, 60 % ont moins de trente ans. Une fraction de la jeunesse française quitte le domicile familial pour la rue ou un hébergement très précaire. L’absence de minimum social – il faut avoir 25 ans pour toucher le RSA sauf rare exception – est l’une des raisons qui pousse ces jeunes à la rue.
Parmi les 57 % qui ont perdu leur logement, 35 % sont dans cette situation suite à un événement familial (séparation, décès, violence, etc.), 30 % ont des difficultés économiques (licenciement, impayé de loyers, etc.), 11 % sont dans cette situation suite à une mobilité géographique (hors motif familial ou économique), le reste pour diverses raisons (incarcération, hospitalisation, etc.). Selon l’Insee, un dixième des sans-domicile serait dans ce cas après une expulsion de leur logement. Les trois quarts des sans domicile sont au chômage (37 %) ou inactifs (37 %). Ce qui signifie inversement qu’un quart, soit 25 000 personnes si on applique cette proportion à l’ensemble des sans-domicile adultes, ont un emploi mais pas de logement.
Enfance difficile
Selon l’Insee, 86 % des sans-domicile ont vécu dans leur enfance au moins un événement douloureux lié à leur environnement familial. La moitié une maladie, le décès de leurs parents ou d’un proche ou un accident grave, contre 16 % dans l’ensemble de la population. Un quart des sans-domicile nés en France ont été placés dans une institution, en foyer ou en famille d’accueil dans leur enfance. Les deux tiers de ces derniers ont subi des violences ou des mauvais traitements, contre 2 % pour l’ensemble de la population. « La moitié ont eu de graves problèmes de santé physique ou ont été hospitalisés en psychiatrie », relève l’Insee.
Leur situation personnelle, les difficultés rencontrées dans l’enfance font que les sans-domicile disposent d’un réseau social moins étendu. Seuls 37 % voient leur famille au moins une fois par mois, contre 80 % dans l’ensemble de la population. Les deux tiers rencontrent des amis, contre 85 % pour l’ensemble.
On commence à mieux connaître la population des personnes privées de domicile. Encore faut-il se méfier des simplifications. Une partie d’entre eux, les plus en difficulté, ne fréquentent pas les hébergements d’urgence et n’ont pas été enquêtés par l’Insee. On sait peu de choses sur eux, sauf ce que peuvent en dire les professionnels du secteur qui les soutiennent. La plupart sont loin de l’image d’Epinal du « clochard » à la rue, il peut s’agir de personnes prises en charge de façon très temporaire à l’hôtel ou dans un logement associatif, en attendant un relogement. De même, le passé familial n’explique pas tout. Même s’ils peuvent avoir connu des difficultés dans l’enfance, comme de nombreux enfants, les trois quarts n’ont jamais été « placés » et ont vécu avec leurs parents.
Les causes qui conduisent à devenir sans-domicile peuvent être entremêlées, des difficultés d’emploi se cumulant et agissant sur les ruptures familiales ou de santé, ce qui peut rendre d’ailleurs plus difficile de sortir du cercle vicieux de cette situation. Le milieu social joue un grand rôle dans le risque de se retrouver à la rue : contrairement à une idée reçue, tout le monde n’a pas le même risque de se retrouver SDF. Enfin, une partie des sans-domicile sont des étrangers sans papiers, parfois présents en France depuis plusieurs années, qui pourraient occuper un logement et payer un loyer si on leur accordait le droit au travail. En particulier, ces données datent de 2012 : depuis, on sait notamment qu’une partie des réfugiés syriens et libyens arrivés en France n’ont pas obtenu d’hébergement stable.
Notes:
- « Les sans-domicile en 2012 : une grande diversité de situations », Françoise Yaouancq et Michel Duée, in « France, portrait social édition 2014 », Insee, novembre 2014. L’enquête sur les parcours de vie porte sur 66 000 sans-domicile adultes francophones. ↩