À partir de quel niveau de revenu est-on riche ou pauvre en France ? Quand appartient-on aux classes « populaires », « moyennes  » ou « aisées » ? Ces questions centrales sont souvent laissées dans le vague. Chacun y va de sa définition en fonction de ce qui l’arrange. En plus, fréquemment, les chiffres évoqués ne prennent pas en compte la taille des ménages. Hors vivre en solo ou à cinq d’un même revenu, ce n’est pas vraiment pareil. Essayons d’y voir plus clair.

Pour cela, il faut commencer par définir des tranches de revenus. Nous utilisons ici les définitions de l’Observatoire des inégalités. En bas de l’échelle, on trouve les catégories qu’on qualifiera de « populaires », dont les revenus sont compris entre 0 et 30 % des plus bas revenus. C’est la France des ouvriers et employés, des personnes peu qualifiées. À l’intérieur de ces catégories, les personnes pauvres sont celles dont le niveau de vie est inférieur à la moitié du niveau de vie médian (1 930 euros par mois), le seuil de pauvreté. Les « classes moyennes » regroupent la moitié de la population située entre 30 % et 80 % des revenus. C’est une France intermédiaire entre ces catégories populaires et la partie supérieure. Les « classes aisées », surtout des cadres supérieurs, occupent les revenus les 20 % supérieurs et les « riches ceux » dont le niveau de vie est deux fois supérieur au revenu médian.

Il existe différentes manières de mesurer les revenus. Nous utilisons le revenu que l’Insee appelle « disponible ». Celui-ci regroupe tous les types de revenus, comme des salaires ou des revenus de son patrimoine (des loyers par exemple). On retire l’impôt sur le revenu et on ajoute les prestations sociales reçues, comme les allocations logement. L’idée est de mesurer ce que l’on a vraiment pour dépenser.

Ensuite, il faut différencier les niveaux de vie en fonction du nombre de personnes par ménage. Nous avons distingué six grands types de foyers dans notre tableau, les principaux, mais il en existe bien plus évidemment. Pour passer d’un type de ménage à un autre, nous utilisons le système de parts de l’Insee, baptisées « unités de consommation ». Dans ce système, le premier adulte vaut une part entière et les personnes de plus de 14 ans une demi-part1.

À partir de cette définition, en France, une personne seule est considérée comme pauvre si elle vit avec moins de 1 014 euros par mois (au seuil de 50 % du niveau de vie médian), elle appartient aux classes populaires si elle a moins de 1 608 euros, aux classes moyennes si elle reçoit entre 1 608 et 2 941 euros (données Insee 2022). À partir de 2 941 euros elle est considérée comme aisée, et riche au-delà de 4 055 euros. Le seuil de pauvreté est de 1 521 euros mensuels pour les couples sans enfants. Ils appartiennent aux classes moyennes entre 2 413 euros et 4 411 euros, et sont riches à partir de 6 083 euros. Pour un couple avec deux enfants de plus de 14 ans, le seuil de pauvreté est de 2 534 euros mensuels, les classes moyennes se situent entre 4 021 euros et 7 352 euros et les riches disposent de plus de 10 138 euros.

Les définitions que nous utilisons sont discutables. Il s’agit de revenus après impôts et prestations sociales et non tel qu’ils sont déclarés. Ces données ne prennent pas en compte les dépenses, comme le logement2. Les catégories « aisées » rassemblent des ménages aux revenus très inégaux, de cadres supérieurs à des PDG de multinationales. Il faudrait aussi distinguer encore plus précisément les types de familles, par exemple les familles monoparentales avec plusieurs enfants. Il s’agit d’une définition monétaire qui n’est qu’un des éléments du statut social des personnes. Enfin, il faudrait aussi tenir compte de l’âge des individus pour être tout à fait précis.

Ces données ne disent pas tout, mais elles permettent de poser un cadre général au débat, en utilisant les chiffres comme des ordres de grandeur. Le niveau de vie médian d’une personne n’a pas beaucoup de sens pour la plupart des familles, qui raisonnent au niveau de l’ensemble des ressources du foyer. Fixer des limites entre les classes, populaires, moyennes et aisées, permet de mieux comprendre l’échelle des revenus, de mesurer les hiérarchies monétaires dans notre société. Le manque de travaux sur ces sujets reste patent en France. L’Insee, par exemple, refuse toujours de définir un seuil de richesse. Ce brouillard permet à des points de vue opposés de ne pas être contredits par des faits, ce qui satisfait la majorité… Il en résulte malheureusement de nombreuses exagérations et une méconnaissance du véritable montant des ressources des ménages.

Photo : © Kanhaiya Sharma / Unsplash

Notes:

  1. Seulement une demie part parce qu’on fait des économies quand on vit à plusieurs. Par exemple on n’a pas besoin d’une cuisine ou d’une salle de bain par personne.
  2. Argument souvent avancé pour relativiser le revenus des habitants des grandes villes. Mais il s’agit en réalité d’une autre question, relative au choix du lieu de vie.