
Les pauvres vivent-ils en ville ou à la campagne ? Ce sujet fait l’objet d’intenses polémiques depuis plus de dix ans. De nombreuses études réalisées sur le sujet montrent pourtant toutes que les plus démunis vivent d’abord dans les grandes villes. Une étude récente de l’Insee, qui décompose le territoire en fonction de la densité de population, apporte de nouvelles informations.
Le taux de pauvreté est le plus élevé dans les grands centres urbains, ceux qui se constituent autour d’un pôle urbain comportant au moins 50 000 habitants (on y retrouve toutes les métropoles). Il y atteint 17,6 % alors que la moyenne française est de 15 % en 2022, selon l’Insee1. Le taux est de 16,9 % dans les centres urbains moins denses, constitués autour de pôles urbains de 5 000 à 50 000 habitants (des villes comme Saint-Nazaire, Montauban, Bastia, etc.). Le taux de pauvreté est le plus faible dans l’habitat pavillonnaire périurbain en milieu rural (9,8 %), puis il remonte dans les campagnes isolées (14,4 %) mais demeure bien moins élevé qu’en ville. Au total, les villes rassemblent les trois quarts des personnes pauvres, dont plus de 40 % vivent dans les grands centres urbains. 12,2 % sont logés dans le périurbain rural et 13,3 % en milieu rural isolé.

Les données de l’Insee contredisent depuis des années la thèse d’une France abandonnée vivant au loin des villes. C’est surtout au sein de ces dernières que vivent les plus démunis. L’étude des niveaux de vie occulte souvent l’effet de la densité de population. Pour le visualiser, on peut utiliser l’outil mis en place par l’Observatoire des inégalités, qui permet de mesurer le nombre de ménages pauvres à partir de carrés de 200m de côté.
Les plus pauvres vivent en ville, parce que c’est là qu’on y trouve du travail, notamment quand on est jeune. C’est aussi là qu’on a construit les logements HLM pour accueillir les familles modestes. Certains quartiers connaissent de graves difficultés sociales avec des taux de pauvreté qui dépassent les 50 % voire 60 %, d’où la mise en place de ce qu’on appelle « la politique de la ville », avec des quartiers dits « prioritaires » pour tenter d’en améliorer la situation.

Copie d’écran de www.inegalites.fr/La-pauvrete-en-France-en-trois-dimensions
Hors des villes, tout ne va pas pour le mieux pour autant. En milieu rural, l’accès à l’emploi est plus difficile. On compte aussi davantage de personnes âgées démunies, qui ont peu de perspectives. Au-delà du niveau de vie, on y vit plus loin des commerces, des loisirs, des manifestations culturelles, des services publics, par exemple pour étudier ou se faire soigner. Ce que l’on l’acceptait autrefois comme une fatalité devient plus difficile à l’ère de la circulation des images et de l’information.
Remettons les choses dans l’ordre. Les plus graves difficultés se trouvent sans contestation possible en ville, toutes les données le montrent. Et en particulier dans certains quartiers HLM. Pour autant, on aurait tort de se désintéresser des difficultés des territoires éloignés. Certes minoritaires, mais qui font face, loin des grands centres urbains, à des problèmes structurels.
Photo : Tom Préjeant / Unsplash
Notes:
- Ce dernier chiffre, un peu supérieur aux autres données de l’Insee est obtenu à partir d’une source différente. Il est établi au seuil de 60 % du niveau de vie médian. ↩