Depuis le milieu des années 1980, la part de jeunes sortis depuis moins de cinq années du système éducatif qui occupent un emploi précaire1 a fortement augmenté, de 17 % à 29,6 %, selon l’Insee. L’évolution n’a été ni linéaire, ni identique en fonction des niveaux de qualification des jeunes.
La précarité des jeunes sortants de l’école s’est développée très rapidement à la fin des années 1980. En quatre ans seulement, de 1985 à 1989, le taux de précarité a alors grimpé de dix points, de 17 % à 27 %. Il a ensuite évolué ensuite beaucoup plus lentement, alternant des phases de hausse et de baisse. Les trajectoires des jeunes sont très différentes selon leur niveau de diplôme. Au milieu des années 1980, les différences demeuraient contenues : 13 % des jeunes diplômés du supérieur étaient concernés par la précarité à l’entrée sur le marché du travail, contre 19 % de ceux qui avaient un niveau de fin de troisième. Ces jeunes appartenaient encore à un univers commun. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui avec des taux vont du simple au double : respectivement 22 % et 47 %.
Cette précarité n’a rien d’éphémère pour un grand nombre de jeunes adultes. Parmi ceux qui n’ont pas de diplôme, le taux de précarité est encore de 35 %, pour ceux qui sont sortis du système éducatif depuis cinq à dix ans. Dans l’emploi, il n’existe pas une mais des « jeunesses », placées dans des situations très différentes. Le gros des troupes du travail précaire et flexible est constitué de jeunes adultes issus des milieux populaires, disposant au mieux du bac. En moyenne, les autres s’en sortent beaucoup mieux.
Cela ne veut pas dire que tout va pour le mieux pour les diplômés. En trente ans, la part de jeunes ayant quitté l’enseignement supérieur depuis moins de cinq ans en emploi précaire est passée de 13 % à 22 %. La condition étudiante a changé. Entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 2000, le nombre d’étudiants a été multiplié par deux. À l’intérieur de cette jeunesse diplômée, les inégalités sont grandes entre ceux des filières les plus sélectives et les autres. Un grand nombre de jeunes diplômés déchantent en frappant à la porte du travail. L’écart est grand entre la réalité sociale et ce à quoi ils pensent pouvoir prétendre, si, par exemple, ils se réfèrent à la situation de leurs parents. Ils s’en sortent mieux que les moins diplômés, mais cela ne les rassure en rien. Ce qui compte pour eux, c’est ce déclassement par la précarité.
Ces données peu médiatisées en disent long sur la situation concrète des jeunes en France. La flexibilité du marché du travail repose en grande partie sur leurs épaules. L’insécurité qu’elle entraîne mine la vie d’une grande partie d’entre eux, pas seulement de ceux qui n’ont aucune qualification. Elle se répercute sur leurs conditions de vie, en particulier l’accès au logement, sur leur capacité à se projeter dans l’avenir, à réaliser des projets, exercer des activités régulières (loisirs, engagements associatifs, pratiques culturelles, etc.). Cette situation exacerbe les tensions. À l’opposé, on surmédiatise la situation d’une minorité de jeunes diplômés qui, en début de carrière, ont la possibilité de choisir un contrat à durée déterminée pour tester leur futur lieu de travail.
Et demain ?
Depuis 2015, la précarité des jeunes sur le marché du travail diminue. Le mouvement est net pour les moins qualifiés, dont le taux de précarité a baissé de 65 % à 47 %. Il reste extrêmement élevé, mais l’écart s’est réduit par rapport à la moyenne des jeunes. Au total, le taux de précarité des jeunes sortis depuis au moins cinq années du système scolaire est comparable à celui de 1990. Le mouvement est d’importance et certaines entreprises sont victimes de la dérégulation du marché du travail : les flexibles sont moins attachés à leur entreprise. Toute la question est de savoir combien de temps va durer cette amélioration. Depuis 30 ans, chaque phase positive a été suivie d’un retournement. Au bout du compte, le niveau de précarité des jeunes récemment insérés dans l’emploi oscille autour de 30 % en moyenne.
Notes:
- Les emplois précaires ou comprennent les contrats à durée déterminée, l’intérim et l’apprentissage. Il s’agit des emplois dans lesquels le contrat de travail est d’une durée définie. ↩